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Fusion

Chae Sung-Pil

5 - 31 octobre 2023

25 Rue de Beaune, Paris, France

CHAE SUNG-PIL

Chae Sung-Pil m’apprend une nature jusque-là insoupçonnée de la peinture : sa capacité à fixer un instant et tout ce qu’il porte d’importance. L’art de Sung-Pil est né d’un tel instant. Accidentel selon lui, mais dont il a eu pourtant et depuis lors, la juste intuition de la gravité. Celle qui requiert qu’on le retienne et qu’on s’applique à le peindre. Celle qui justifie qu’on le contemple de son propre regard.

La force visuelle des œuvres de Sung-Pil tient dans une technique rigoureuse et précieuse. Elle allie une simplicité de forme et un travail délicat sur la matière. Je sais toute l’importance que le peintre accorde au choix de ses pigments, des liants et des supports de ses œuvres. Un travail de peinture véritable avant même de poser la première «touche». Il en résulte une totale beauté plastique. Couleur, lumière et matière sont ainsi liées intimement par leur perfection esthétique.

Celle-ci n’est pourtant pas une fin en elle-même. Cette beauté porte une âme profonde. Celui du Tao et du sens intrinsèque des objets et de la «matière». Nul doute que l’emploi de substances naturelles, provenant de la mer et du sol, de Corée même, n’est pas pour Sung-Pil un artifice. C’est la condition sine qua non à l’authenticité de son œuvre. Il y ici une pleine Fusion entre matière et mouvement, entre corps et esprit.

La matière picturale devient alors un support « sensible ». Le geste de Sung-Pil capte l’inspiration portée par l’instant : le souffle du vent, la puissante vague, et tant les infimes tremblements de la nature animée, que les secousses des forces telluriques. L’œuvre de Chae Sung-Pil, saisit comme nulle autre, le si important «punctum».

Elle l’embrasse d’autant mieux qu’elle n’en garde pas uniquement la forme visuelle - le punctum n’étant donc pas l’apanage de la photographie en Art. Dans la peinture, et dans le geste qui la «met en oeuvre», sont conservés les phénomènes sensibles également : mouvements et vibrations, des sons mêmes peut-être, ceux qui ont inspiré le peintre et qui nous touchent à présent.

On trouve dans la peinture de Sung-Pil, dans la matière même, le mimétisme naturaliste que cherchait à atteindre Zeuxis. Mais dans une tournure plus subtile qui n’a rien de l’ambition vaine à rivaliser avec la Nature. Le geste de Sung-Pil, dans l’application de la matière, est d’une délicatesse et d’une douceur qui émeut davantage que la fougue impétueuse de l’action painting. Laisser une place à une part de hasard est ici d’une grande maturité. S’en est le supplément de force. Elle s’impose sans grandiloquence, sans l’exagération triviale du all over. La réserve du peintre, les réserves de la peinture sur la toile, sont une grâce.

Il est remarquable que sous une apparente simplicité, sous les atours de l’abstraction - parfois trompeurs depuis que la figuration est jugée de moindre valeur - Sung-Pil fait cette fois aboutir la quête que tous les horizons et courants picturaux, culturels et temporels, ont mené sans souvent l’atteindre. Le minimalisme prend tout son sens, celui d’une humilité qui a tout à donner.

Nous avons ici, avec Chae Sung-Pil, la chance immense de contempler un art intégral. Dans le sens où il produit, sur nous spectateurs, l’intégralité de l’expérience émotionnelle, sensorielle et spirituelle que le peintre nous appelle à vivre. Ainsi, Sung-pil m’a appris avec justesse la vraie nature de la peinture : l’art de fixer l’instant et d’en redonner toutes les sensations qui en font la valeur d’expérience et de poésie.

Arnaud Pagnier
Directeur artistique / Galerie Artismagna

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