Ante Solem
Roger de Montebello
13 avril - 10 mai 2023
25 Rue de Beaune, Paris, France
ROGER DE MONTEBELLO
Quelle serait la couleur de la lumière pure ?
Et, question encore plus délicate, quelle couleur teinterait la lumière d’un rêve ?
Car Venise n’est pas un lieu. Elle est la pure création de l’âme de celui qui part à sa rencontre.
Et que se passe-t-il alors dans l’œil de l’artiste, l’artiste véritable dont l’honnêteté de l’intention baigne dans la lumière de Venise ?
Car, voyez-vous, Roger de Montebello ne s’est immergé dans la lumière de Venise ni comme un plongeur, ni comme un chercheur. Il a capté son âme. Puis il l’a jetée dans cette lumière pure pour la saisir de ses pinceaux. De ces images mentales conditionnées par la lumière, il nous offre ces vues de Venise qui ne peuvent se réduire à de simples peintures.
Ces marbres ensorcelés, les coupoles et les clochers, la silhouette rose de l’île de Saint-Georges, la dentelle du Palais des Doges, la courbe sinueuse du Pont des Soupirs, ce crayon pointé vers le haut qu’est le clocher de Saint Marc, tous voyagent dans ton cœur à toi qui bois cette lumière.
Face à Venise, allongée telle une odalisque devant son chevalet, Roger de Montebello saisit la lumière de cette «ville-rêve». Il la traduit en poésie, en énergie. Celle de la vie. Regarde bien, ce n’est certes pas un hasard si la palette reflète quelques tons orangés luxuriants et si doux : le choix de la couleur orange, cette couleur de la vie qui se réjouit d’être en vie. Je pense à Kandinsky, qui dans sa réflexion sur la psychologie de la couleur a démontré que la couleur orange est véritablement celle du bonheur.
Les œuvres de Roger de Montebello exposées ici ont toutes été créées en plein air. L’artiste n’a pas pensé Venise en abstraction, il ne l’a pas peinte d’après son souvenir, il ne l’a pas imaginée dans son atelier. Il l’a regardée. Pas uniquement avec ses yeux. Il a plongé son pinceau dans une palette que seul le véritable artiste possède, et que seul un grand artiste sait métamorphoser en un don. Il nous offre la joie du monde.
Dr. Antonella Boralevi
Ecrivaine / www.antonellaboralevi.it
Certains mots, parmi les plus poétiques, semblent faits uniquement pour un lieu et pour évoquer l’atmos-
phère qu’il porte. Ainsi vedute est pour nous tout à fait propre à Venise. Vedute est à la fois sonore et
pictural. Trois syllabes, avec une syncope finale, qui s’entendent à l’oreille comme se pose la touche du
peintre sur la toile. Roger de Montebello peint Venise ainsi. Dans la tradition de ces vedute qui nous en-
chantent les sens.
Dans chaque œuvre présentée par notre exposition intitulée «Ante Solem» - traduire par «Soleil de face»,
la ville, la lumière, la mer en sont les trois temps ; les trois syllabes.
La ville de Venise est un décor. Un décor de drame et de volupté, de gravité et de légèreté. Les deux
versants d’une histoire immense. Roger de Montebello fait tenir cette immensité dans son tableau. Elle s’y
trouve sublimée par la part de mystère qu’apporte la touche d’une peinture à la fois précise et descriptive,
mais aussi vibrante et revêtue de la couleur d’un songe. Le peintre a saisit ici la vraie nature de la ville.
Canaletto et Belotto l’avaient découverte, Ziem l’avait révélée, Roger de Montebello l’affirme à nouveau
: la Sérénissime est le plus réel des rêves.
Cette façon de peindre, avec une distance qui est une juste révérence, renforce la rêverie. Roger de
Montebello fait surgir la ville depuis la mer. Une mer protectrice qui sacralise une ville qu’on aimerait
délivrée des outrages, au prix même de la rendre inaccessible. Alors, en la contemplant ainsi sur la toile,
peinte dans la pureté de ses couleurs, on se plaît à rêver des canaux et des sotoportegi, calli, ciampi, des
palais, des cloîtres et des coupoles. Depuis toujours ils sont le vocabulaire de ces vedute, et c’est un plaisir
immense de les retrouver dans l’œuvre de Roger de Montebello.
Il est à n’en point douter l’héritier de la grande peinture vénitienne. Comme les maîtres anciens, Roger de
Montebello peint la ville dans une lumière éclatante. La plus vive, la plus éblouissante, celle d’un soleil
placé sans détour dans la composition et dont l’ardeur est rendue plus douce par une palette de couleurs
tendres comme celles de Guardi et de Tiepolo.
Sur ces trois temps du rythme vénitien, ville, mer et lumière, Roger de Montebello nous propose trente
aquarelles et huiles sur panneaux toutes peintes sur le motif, face au soleil. Puissent-elles affirmer à nou-
veau à un public parisien depuis toujours ami de Venise, la permanence et l’unicité de la Sérénissime, sa
singularité parmi toutes les vedute que l’Art nous a un jour apporté.
Arnaud Pagnier, Emmanuel de Boisset et Thomas Guénin
Galerie Artismagna